La musique
Les genres musicaux identifiés au Gourara sont actuellement au
nombre de sept: ahellil, tagerrabt, hadra, tebel, baroud, chants avec accompagnement
d’amzad, et danse avec les karkabou. On peut également
entendre des pièces telles que les fragments de psalmodie coranique,
le chant pour la fécondation des palmiers, les formules rituelles accompagnant
le blanchiment annuel des tombeaux des saints. Les mystiques
découvriront aussi le Zikr Allah , psalmodies coraniques collectives de 2
des 60 parties du Coran répétées chaque jour pendant le mois de Ramadan
, la Borda et la Hamzia qui sont de remarquables chants de louange
évoquant le prophète , son oeuvre , sa vie que l’on interprète en groupe
dans les mosquées à l’occasion des fêtes du Mawlid Ennabaoui.
Les instruments de musique
Mise à part la voix qui est le principal instrument , on note la présence
des instruments suivants :
* Le Guembri ou Bengri à 2 cordes , ancêtre du banjo
* La Tamja ou flûte de roseaux à 6 trous
* La quallal sorte de derbouka en terre couverte d’une peau
* Le bendir ou tambourin pouvant aller jusqu’à 50 cm de diamètre
* Le Tbol , grande assiette couverte d’une peau et que l’on tient assis au sol
coincée entre ses pieds
* L’Adgha , moitié d’une meule de pierre que l’on frappe à l’aide d’un galet
* Les Karkabous , sorte de crotales métalliques typiques de la danse des
Gnawas
* Le Tabaqalt , petite derbouka que l’on tient d’une seule main
* Le Guinga , tambourin revêtu de peau des 2 côtés que l’on frappe d’un
batonnet courbé en son extrémité
* L’Imzad sorte de violon à une corde tenue sur une calebasse avec un
archet en forme d’arc.
Les genres musicaux
Ahellil
« Si le genre est surtout l’apanage des zénètes du Gourara, ces berbères
du Sahara, les populations des ksour (pluriel de ksar village traditionnel)
des oasis de Tinerkouk et du Taghouzi, essentiellement arabophones,
y goûtent avec plaisir et s’associent volontiers au jeu, à l’occasion. Quand
le jour est totalement enveloppé par la nuit, un groupe d’hommes se réunit
en plein air et forme un cercle au milieu duquel se trouve un abashniw
(poète et chanteur soliste), un bab n tamdja (flûtiste) et un bab n qallal
(percussionniste, joueur de tambour). Tous, épaule contre épaule répètent
en choeur derrière le soliste et son orchestre, ces complaintes faites
de suppliques et de quête de pardon et de grâce. Ahalill chante l’amour et
la mort, Dieu et les hommes, le pur et l’impur. Dans un enchevêtrement
sublime il fait cohabiter sacré et profane. Il relate l’histoire (la petite et la
grande). Des événements locaux, des épopées amoureuses, des conflits
familiaux s’intercalent entre le rappel de préceptes religieux et le récit de
batailles mémorables. Pris par le rythme de sa propre voix, l’abshniw exécute
des postures de plus en plus gracieuses. Ses génuflexions accentuées
par la tonalité d’une voix aiguë de plus en plus poignante provoquent des
mouvements, vers l’avant puis des retours, de la partie du cercle à laquelle
il s’adresse. » A. Moussaoui
Le Ahelill a été classé en novembre 2005 au patrimoine mondial oral
intangible de l’humanité par l’UNESCO et un festival annuel de Ahellil a
été créé par le ministère de la culture par arrêté en date d’avril 2006.
La tagerrabt, plus intime, est célébrée à l’intérieur à l’occasion de fêtes
domestiques. Les exécutants sont assis et la flûte cède la place au bengri.
L’adgha, meule de pierre est frappée avec deux molettes pour marquer
le rythme. A part cela, airs et textes sont souvent (mais pas toujours) les
mêmes.
Hadra
« Les chants de hadra sont pratiqués indifféremment par les Arabes et
les Zénètes et présentent de surcroît plusieurs traits de similitude avec le
répertoire de ces derniers. Si les femmes en sont exclues, la hadra donne
lieu à des chants dont la construction n’est pas sans analogie avec celle
des chants d’ahellil. On y emploie les mêmes échelles pentatoniques , les
effets polyphoniques y sont également fréquents, leur exécution se fait
dans le même registre et avec le même type d’émission vocale. Le tempo
en est alternativement modéré et animé.…Mais la hadra, plus proche
de la tradition zénète de l’ahellil que de la tradition arabe du tbol est un
genre essentiellement religieux, lié à l’implantation de confréries nées du
mouvement maraboutique.
Seuls les initiés peuvent prendre place à l’intérieur du cercle des
danseurs, jouer des instruments d’accompagnement (bendair et gâllal),
et tenir le rôle de soliste. C’est dans cette inspiration islamique (un peu
marginale au regard de la stricte orthodoxie) que se manifeste l’influence
arabe. » M.Mammeri
Tbol
« Le tbol dit « des Meharza » est particulier au Tinerkouk, où les
groupes arabophones sont largement majoritaires. Les femmes en sont
exclues. Les hommes chantent dans un registre aigu, avec une émission
tendue, souvent nasale, formant un choeur aux timbres peu homogènes.
L’ambitus est toujours restreint, réduit parfois à une tierce mineure, et la
structure mélodique la plus fréquente est celle de la litanie simple.
Le tempo est en général rapide. La plupart de ces caractères coïncident
avec ceux du chant bédouin. »M.Mammeri
Barûd
« Disons tout d’abord ce qu’est un barûd. Il s’agit d’une sorte de ballet
qui se danse avec des fusils sur le son du tambour. Il se joue toujours en
plein air , soit en marchant par groupe ou en file indienne, mais sa forme
la plus hautement esthétique c’est quand il se joue dans un lieu fixe, et
dans une disposition circulaire.
Un groupe d’hommes , exclusivement habillés de gandûra et coiffés
de shâsh-s (turbans) munis de fusils à poudre , dansent sur le son d’un
tambour en répétant des phrases (des groupes de mots ou de simples
mots) glorifiant Dieu et les saints de la région, mais aussi les plus remarquables
du panthéon musulman. Il est appelé barûd (poudre) parce que
sa caractéristique principale, et sa finalité, c’est de «faire parler la poudre
». …..
Observons plutôt une séquence de barûd. On commence lentement
par des paroles plus ou moins audibles et des gestes étudiés. Puis les
choses s’accélèrent , les mouvements deviennent brusques. Une frénésie
s’empare des corps, les voix deviennent rauques ou aigüs. Les mots sont
hachés, les souffles haletants . Cependant dans une harmonie de plus
en plus soulignée jusqu’au moment extrême ou par un subtil signe une
décharge collective est accompagnée de cris aigus que viennent envelopper
des youyous de femmes quand la synchronisation a été estimée
excellente. » A. Moussaoui
Les ziaras
Chacun des saints personnages qui ont marqué de leur empreinte
l’histoire de la région est honoré chaque année à date fixe dans le calendrier
lunaire. Cela donne lieu à des réjouissances que l’on appelle ici Ziara
qui signifie « visite ».
Les plus connues d’entre elles qui attirent chaque année des centaines
de visiteurs sont celles du Mawlid (12ème jour du mois Rabia) et du Sbou’
(18ème jour du mois Rabia) .
« … La fête commence à Tinerkouk, une oasis de l’Erg. C’est de là
que part le premier cortège portant l’étendard du saint patron de Tinerkouk,
le jour même du mawlid, pour passer dans les principaux ksour-s
de la région (Sammouta, Ouled Saïd, Kali, Massine et Zawiyat Sid al hàdj
Belqacem).
… C’est tard dans la nuit que parviendront (à Massine) les étendards
en provenance de Ouled Saïd. De l’autre côté, sorti du ksar, l’étendard de
Sidi Yussaf va à la rencontre de ces visiteurs. C’est un moment très fort,
l’accueil se fait avec une énergie remarquable. Il y a une sorte de rencontre-
combat des étendards avec une course folle, dans tous les sens.…
Une foule scande rsûl allâh (messager de Dieu), en sautillant les bras en
l’air, pendant une bonne demi-heure.
….Le regroupement (du lendemain) a eu lieu à la sortie de la ville
de Timimoun, toujours dans ce même endroit que les locaux appellent
al djbal (la montagne)…En attendant le rassemblement de tous les pèlerins,
des joutes de barûd ininterrompues se déroulent dans une liesse
générale. A l’arrivée de tous les étendards (une trentaine) la procession
la plus imposante commence, à pied, à dos d’âne, à dos de chameau ou
en voiture. Tous se dirigent vers la hufra (le creux), chez Sid al hâdj Belqacem.
Dès son arrivée le cortège se transforme subitement en un foisonnant
spectacle où embrassades et simulations de combat s’entremêlent.
L’étendard de Sid al hâdj Belqacem est «volé» pour le faire rentrer, le premier,
à la zawiya.
La nuit du 7° au 8ème du mawlid, c’est la nuit du manjûr. Un barûd
traverse la principale artère du ksar de Timimoun. Des troupes se relaient
pour vider leurs fusils chaque vingtaine de mètres, après une séquence de
chants et d’invocations. Cette lente et dansante procession part de Ouled
Brahîm et débouche à Sûq Sidi Mûssâ, la plus grande place du ksar, près
de la grande mosquée Sidi Othmân……
La nuit du 8° au 9ème c’est la nuit du mashwar. Ici a lieu un grand
barûd dans une place triangulaire assez dénivelée surplombée par une
grande et haute maison avec une petite ouverture au sommet. C’est là
qu’habita jadis le caïd, d’où le nom de mashwar (palais). Comme si après
les honneurs rendus à Dieu et à ses saints venait le tour de ceux qui détiennent
le pouvoir ici bas. Une hiérarchie bien établie.
Le barûd du mashwar du mawlîd se termine au petit matin, vers six
heures. Vers la fin, les concurrents (Aougrout et Tîmimoun font un seul
grand cercle, occupant toute la surface du mashwar et dansent ensemble).
Subitement, tout le monde s’assoit et tient son fusil orienté vers le
ciel. Le barûd est lâché fusil après fusil. Tout le monde se lève, on refait
le cercle. On brandit haut les fusils et puis on les rapproche. Les canons
se touchent et forment une sorte de cône coiffant un cercle de turbans
blancs. Les fusils construisent une espèce de toiture protectrice, une sorte
de kobbâ dont la voûte est faite de fusils; et le tambour, d’hommes » A.
Moussaoui
Le barûd du mashwar porte en zénètia le nom de «Barûd n Talamiht»
ou barûd de l’imploration , de la bénédiction et des bienfaits divins.
D’autres grandes ziaras méritent d’être mentionnées. Ce sont celles
de :
* Sidi Othmane à Timimoun
* Sidi Moussa Oul Messaoud à Tasfaout
* Sidi Ba Sidi à Fatis
* Sidi Omar à Aougrout
* Bel Hamadi à Metarfa
* Cheikh Ben Amar à Deldoul
* Sidi Amar L’Ghrib à Charouine
* Sidi El Khader à Ouled Aissa
* Sidi Hadj Lahcene à Guentour
* Sidi Ahmed ou el Hadj à Talmine.
Les dates des ziaras sont calées sur le calendrier lunaire et varient
donc chaque année dans le calendrier grégorien.On consultera à ce sujet
le site http://amistimimoun.free.fr/ et sa rubrique «dates à retenir» qui
renseigne sur ce sujet.
L’Artisanat
Le tissage est une activité traditionnelle pratiquée par les femmes
dans leurs foyers lorsqu’elles disposent de métiers généralement installés
dans les cours , ou plus récemment dans l’une des nombreuses associations
existantes.
Les dokkalis sont de grandes tentures de laine dont les dimensions
varient entre 1 m. 50 sur 3 mètres et 2 mètres sur 5 mètres. Ils
sont refabriqués à Timimoun depuis 2009 par l’atelier Tigourarine et
constituent une forme plus élaborée des Ksi traditionnels (bandes
blanches disposées régulièrement) auxquels on a ajouté de la couleur.
Mail: fatiha.bengrine@yahoo.fr Tel: + 213 779 10 55 09
On fabrique aussi un autre genre de tentures dites « Fatis» (du nom
du village de Fatis dans le Tinerkouk) , couverture bariolée avec au centre
une grande croix blanche sur laquelle sont appliqués des petits dessins de
couleur.Le même motif sert aussi à fabriquer des chaussons et des coussins.
Le Tenafsa est tissée avec des fils doubles de laine , auxquels on ajoute
des poils de chèvres ou de chameau.
Le CFPA (Centre de formation professionnelle pour adultes) de Timimoun
a ouvert une section de tissage.
La région de Charouine produit de belles vanneries (Toubiga , petit
plat ; Tebeg , grand plat en vannerie servant à vanner le couscous ; Tadara
, récipient couvert servant à transporter les mets ; Guenina , récipient profond
en forme de citrouille; M’queb, sorte de chapeau décoré servant à
protéger les mets du sable) .
La Gastronomie
Timimoun possède 3 sortes de pain : l’annour petit pain rond levé, de
blé « mûr et sec » moulu à la meule de pierre, est cuit plaqué aux parois
du four, puis beurré ou huilé ; le metlouh, grande galette de blé au beurre,
est cuit dans un plat vernissé posé au-dessus des braises ; et le mellah,
galette très plate de farine de blé sans levure ni beurre, demande de s’y
prendre à l’avance pour sa cuisson à l’étouffée il faut allumer un feu sur le
sable, écarter ses braises (quand il y en aura), pour y déposer une pierre
plate; puis, quand elle est chaude, y poser la pâte et la recouvrir de sable…
M. Kerkoub (in « le pain selon Poilâne »)
Le Khobz chahma est un pain sans levain farci avec un mélange
d’oignons , de graisse et d’épices.
On déguste le couscous aux légumes , avec ses variantes aux herbes
ou aich sraïr ou aux feuilles de navets ou aux blettes.On trouve les mets
originaux suivants :
* Le Regag el Guella (cuit sur une cruche) ou Ssafia (cuit sur une plaque
chauffante) est une crêpe de blé découpée et mélangée à une sauce aux
lentilles.
* Le Tinfoussa est une pâte à pain ressemblant à une pâte à pizza ,
découpée et plongée dans une sauce de lentilles dans laquelle elle cuit.
* Le Kanoud est une boule de blé local sans levain enveloppant une
farce et plongée dans une sauce aux lentilles dans laquelle elle cuit.
* Le Merdoud est un couscous à gros grains cuit dans la sauce.
* Le Zembou est une soupe de blé vert cuit.
* Le Bekbouka (ou Ousban) est une farce d’abats de mouton et d’herbes
enveloppée dans l’estomac de mouton et plongée dans une sauce
* Le Kerdes est une variante du plat précédent enveloppé de sel et séché au
soleil pour être consommé ultérieurement
On ne trouve que quelques desserts typiques :
* Le R’fiss est une pâte de datte écrasée avec de la semoule précuite, du
beurre et du lait caillé séché (qlila)
* Le Seffa est un couscous sec au beurre et aux raisins secs parfumé à la
canelle.
La région produit une boisson spéciale qui ne se consomme qu’aux
mois estivaux de Ramadhan .Il s’agit du Deffi , boisson désaltérante à
base de pas moins de 40 variétés de plantes fermentées et sucrées au jus
de datte.
Source: Timimoun la mystique
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